Marseille : une main coupée ressuscitée à la Timone

Le Dr André Gay et son équipe ont réalisé la semaine dernière cette intervention délicate et rarissime, qui consiste à réimplanter une main amputée.

Le Dr André Gay et son équipe ont réalisé la semaine dernière cette intervention délicate et rarissime, qui consiste à réimplanter une main amputée.

Photo Valérie Vrel

Marseille

Une équipe chirurgicale a réalisé l'exploit de réimplanter une main entière

Le téléphone a sonné au milieu de la nuit chez le Dr André Gay. Au bout du fil, un cadre du service de chirurgie de la main de la Timone à Marseille, qui l'informe qu'un jeune patient de 25 ans vient de perdre sa main gauche dans un accident du travail. Une machine-outil a sectionné l'organe au niveau du poignet. Nous sommes le 18 mars, il est 3 heures du matin. "On dispose dès lors de 4 heures pour agir", résume le chirurgien.

Moins de 2 heures plus tard, au bloc opératoire de la Timone, toute l'équipe médicale est sur le pont. Prête à tenter cette chirurgie de l'impossible qui consiste à réimplanter une main tout entière, sur un patient réanimé qui a perdu beaucoup de sang. "Cette opération rarissime est beaucoup plus délicate qu'une greffe, car la main n'a pas été amputée chirurgicalement, proprement, et nous devons aussi gérer les traumatismes et les lésions provoquées par l'accident", explique le Dr Gay.

 

Deux heures pour sauver l'organe

 

Difficulté supplémentaire : la main du jeune homme est restée attachée au poignet par des fragments de tissus non sectionnés. Pas moyen de prolonger sa conservation en la plongeant dans la glace, entourée d'un linge sec. Une fois le patient transporté, il reste donc 2 heures à l'équipe médicale pour revasculariser l'organe, "faute de quoi, sans apport de sang donc d'oxygène, les tissus meurent irrémédiablement", explique le Dr Gay. Commence alors une course contre la montre, les chirurgiens s'employant d'abord à stabiliser les os coupés, au moyen de plaques et de vis. Puis on passe derrière le microscope pour une microchirurgie destinée à revasculariser l'organe. "Les vaisseaux sanguins ayant été abîmés dans l'accident, il a fallu prélever des veines saines dans l'avant-bras du patient pour réaliser un pontage de 2 artères et 3 veines dans le poignet", précise le chirurgien.

La main enfin réalimentée en sang et en oxygène, le Dr Gay a pu procéder à la minutieuse réparation des tendons et des nerfs, puis à la fermeture cutanée. Les 48 h qui suivent ce type d'intervention sont déterminantes pour les chances de survie de la main. "Il y a un risque d'infection lié au traumatisme subi, et la possibilité aussi que les vaisseaux greffés se bouchent", explique le spécialiste.

Mais dès cette phase critique passée, le long travail de rééducation est immédiatement lancé. Retrouver la préhension, la pince pouce-index, la sensibilité cutanée : "La récupération fonctionnelle prend plusieurs mois et dépend beaucoup de la volonté du patient. Les repousses nerveuses peuvent s'opérer jusqu'à un an après l'intervention". Après une semaine d'hospitalisation, le jeune patient est sorti hier de l'hôpital.

Ce type d'opération a déjà été réalisé par la même équipe il y a 4 ans, dans le service du Pr Legre. Peu de centres (une dizaine en France) sont capables de pratiquer cette activité de pointe, qui nécessite un plateau technique, des compétences de très haut niveau. Mais aussi une organisation capable d'intervenir en urgence 24 h sur 24, avec des chirurgiens volontaires pour être réveillés au beau milieu de la nuit.